Repenser les prisons ou repenser la notion même de la sanction...
La problématique est donc d’inventer un système qui puisse permettre le développement d’un véritable tissu social malgré les contraintes générales de la mise en arrêt. Le projet doit être fondamentalement conçu pour favoriser l’insertion sociale interne et externe par un système d’importation de gestions et de programmes transversaux. Il prend une dimension expérimentale en s’appuyant sur de nouvelles méthodes conceptuelles qui permettent de développer une architecture et un urbanisme dont les références sont inédites.
I. Le choix de Fleury-Mérogis.
Fleury-Mérogis est un ensemble pénitentiaire composé de trois maisons d’arrêts, destinées à accueillir respectivement les mineurs, les hommes, et enfin les femmes.
- De loin le plus imposant, le bâtiment des hommes percute le territoire avec son enceinte polygonale dont la somme des arêtes atteint presque deux kilomètres. Cette enceinte renferme les ateliers de travail, concessions investies par diverses entreprises privées. A l’intérieur de l’enceinte, selon une rotation scrupuleuse de 60° autour d’un bâtiment formant un plus petit hexagone (homothétique à l’enceinte), s’inscrivent cinq tripales, dont chaque aile, longue de 80 mètres, comprend cinq niveaux. Ces tripales comprennent 3200 cellules de détention.
- Le cœur de la prison, également hexagonal, avec une rotonde en son centre, est destiné aux parloirs et à la gestion des différents flux: visiteurs, associations, services pénitentiaires et administration. Monstrueux en terme de capacité, le bâtiment des hommes comprend, dans le projet, l’ensemble du nouveau programme de détention pour le site de Fleury-Mérogis.
- La maison d’arrêt des femmes n’a jamais été achevée et demeure aujourd’hui encore un bâtiment inabouti. Dans cette proposition, ce bâtiment est entièrement détruit et son emprise redonnée à la Zone Industrielle avoisinante. Le programme de détention des femmes est déplacé dans le bâtiment actuel des hommes.
- La maison d’arrêt des mineurs est une réplique exacte de la maison d’arrêt des hommes, seules les dimensions de son emprise changent: une unique tripale cernée par une enceinte hexagonale. Cette réplique architecturale d’un bâtiment destiné à des hommes ne peut être une réponse adaptée à l’encadrement particulier de personnes mineures. Implanté en rive de l’agglomération, ce complexe est lui aussi entièrement détruit et son programme délocalisé. La surface peut être redonnée à la ville pour permettre une éventuelle extension de son tissu urbain.
Comme la plupart des prisons construites au XXème siècle, Fleury-Mérogis atteint un état de délabrement plus avancé encore que celui des établissements du XIXème siècle. Le personnel pénitentiaire la qualifie de «ruine». Les conditions d’incarcération y sont rendues encore plus indignes par le mauvais état de la construction. Enfin, contrairement aux prisons du XIXème siècle dans lesquelles il est possible de remédier à des situations critiques dues au délabrement, par la création de nouveaux cantonnements permissifs (ouvertures permanentes de cellules par petits groupes, usage des coursives comme extension de la cellule, etc), les tripales de Fleury-Mérogis n’autorisent aucune mutation spatiale. Celles-ci, entièrement réalisées avec un système constructif rigide (coffrage «tunnel») ne permettent aucun ajout ou modification vernaculaire. Son cas fait état d’une difficulté d’adaptation (également à l’instar des grands ensembles) et réduit les tentatives de réhabilitation à de simples petites touches. Le budget de l’opération de rénovation globale envisagée récemment équivaut à celui d’une prison neuve échelonné sur plus d’une dizaine d’années.
II. Les nouvelles dispositions:
Compte tenu de l’importance du terrain comme lieu principal de l’activité, les cellules ne sont plus envisagées comme un lieu où le détenu passe la majorité de son temps, mais doit refléter une certaine normalité, être empreint des codes et des repères d’habitation de «la vraie vie». Dans les ailes de maison d’arrêt, ont été imaginés trois types de lieux de vie qui accueillent respectivement un, deux ou quatre détenus.
Les cellules collectives représentent une grande majorité. En augmentant de 2m² la superficie de la cellule actuelle (par un système d’extension en façade), ils proposent de transformer la cellule dortoir en lieu habitable . La chambre est réduite au minimum car elle n’est plus qu’un composant du lieu d’habitation. Cela permet de dégager une pièce pour la cuisine, une autre pour être ensemble, et enfin une salle de bain. Cette typologie présente de nombreux avantages. Elle combine un espace pour l’intimité à des espaces de petite collectivité. Chaque détenu est maître de sa chambre (il peut s’y enfermer et y conserver ses biens) tout en étant soumis à l’effort collectif des tâches ménagères élémentaires. Chacun se déplace comme il l’entend et manipule librement les portes de cet espace. L’existence de multiples collectivités de tailles différentes (appartenance à un groupe de travail, à un lieu de vie, à un enseignement, etc.), concourt à la formation d’un tissu social qui supplante la structure archaïque du caïdat. Une minorité de cellules individuelles sont destinées aux personnes solitaires.
Les unités expérimentales de vie familiales :Les U.E.V.F. reprennent la morphologie du tissu pavillonnaire environnant. Construits en toiture sur les pales du centre de détention, ces pavillons détournent la notion de toit terrasse. Afin de ne pas reproduire de mur ou de grillages supplémentaires, les U.E.V.F. sont situées au niveau 3 de la tripale. Leur modénature reprend celle des extensions métalliques en façade. Ces petites maisons permettent aux détenus de passer quelques jours avec leur famille dans un environnement détaché du reste de la prison. La situation en hauteur permet de s’extraire visuellement de la prison en se fondant dans l’étendue du paysage.
Les ateliers de travail :
Situés au rez-de-chaussée des tripales, les ateliers de travail sont ouverts sur le terrain central par une des façades ajourée aux formes végétales. Les volumes des ateliers sont modifiés par les mouvements de terrain qui déforment leurs façades. Le long des différents ateliers, mais toujours à l’intérieur des tripales, une voie carrossable permet à des chariots élévateurs d’évacuer et d’acheminer des produits depuis les deux pales de stockage. Concédés à des entreprises privées et publiques, les ateliers offrent un travail régulier aux détenus intéressés.
Travailleurs sociaux, surveillants, satellites des cinq centres :
Les bureaux des travailleurs sociaux et les locaux des satellites sont situés à chaque étage au niveau des circulations verticales. Des ouvertures dans le plancher de la circulation centrale mettent en rapport ces services par des doubles hauteurs. Les locaux des surveillants sont situés aux extrémités des tripales, au premier et au troisième niveau.
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